Culture Fabrique

32 émotions cinématographiques de 2015

16 et 16 = 32, j’ai décidé d’accoupler les coups de coeur cinématographiques de 2015 par paires, arbitraires et subjectives. Les familles ont été le grand thème de l’année 2015 au cinéma.

1. A most violent year (Etats-Unis) / Titli, une chronique indienne (Inde)

Jusqu’où peut-aller l’envie irrésistible de sortir de son milieu, de faire carrière, de réussir ? Faut-il accepter l’inacceptable ? Mafia new-yorkaise, petits voyous indiens, même combat ? Existe-t-il une façon universelle de s’adapter, de consentir au pire pour mieux rebondir, de croire qu’une concession permettra d’avancer ? Si l’argent est sale, fait-il toujours de vous un salaud ? Un peu minables, pathétiques et attachants, le trentenaire américain et le jeune indien, devront, l’un comme l’autre, finalement compter sur les femmes pour achever l’ aventure.

2. Aferim (Roumanie) / L’étreinte du serpent (Colombie)

Un noir et blanc somptueux, le cadre majestueux de la nature, la rigueur et la beauté de la mise en scène en commun, pour deux histoires très différentes de quête, violente chasse à l’homme dans les plaines thraces d’un côté, planante recherche d’une plante sur l’Amazonie de l’autre. Sur le chemin, toute rencontre est un piège potentiel, comme une occasion de découverte, mais ce sont souvent la bêtise, l’obscurantisme, la mesquinerie que l’on croise, hélas.

3. Au-delà des montagnes (Chine) / Trois souvenirs de ma jeunesse (France)

Deux films sur le rôle du passé dans la confusion du présent, sur la construction laborieuse de l’identité, et bien sûr les rapports de l’homme à sa mère. Les sous-couches de l’histoire intime se superposent à celle de la grande histoire collective. Nous sommes faits de ce dont nous nous souvenons, individuellement et ensemble, mais la mémoire est trompeuse, se joue de nous, et les souvenirs eux-mêmes nous trahissent, à moins qu’une madeleines de Proust nous fasse remonter à la surface, pour mieux respirer.

4. Back Home (Etats-Unis) / Les merveilles (Italie)

Des pères et des enfants qui se débattent avec une absence très présente de la mère dans le premier et son étrange présence très absente dans le second, toutes les familles ont été à l’honneur au cinéma en 2015. Tout distingue ses deux films dans leurs constructions scénaristiques, leurs histoires, leurs mises en scène, mais en émergent deux figures de père très marquantes, l’un avec ses deux fils, l’autre qui n’a eu que des filles, ce qui ne change pas grand-chose.

5. Cimetery of splendour (Thaïlande) / Le bouton de nacre (Chili)

Quelles sont les traces que l’histoire laisse sur un lieu ? Sont-elles décelables ? Reviennent-elles nous hanter sous une forme ou sous une autre ? Que ce soit celle d’un champ de bataille antique, transformé en école, devenue elle-même ensuite un hôpital, en Thaïlande, ou un centre de regroupement forcé des Indiens, utilisé comme camp de détention de prisonniers politiques, sous la dictature de Pinochet, sur un archipel chilien, les souvenirs affleurent et remontent en rêves ou en cauchemars. Ils peuvent bien être enfermés dans un bouton de nacre ou dans le cerveau de soldats narcoleptiques, ils finissent par se révéler.

6. Fatima (France) / A peine, j’ouvre les yeux (Tunisie)

De part et d’autre de la Méditerranée, deux grands films sur les rapports mère / filles, la difficulté de les élever, d’assurer leur confort et leur éducation, de faire face à leur volonté d’émancipation et d’indépendance, à leur crise d’adolescence, à leurs désirs contradictoires, dans un contexte de tradition religieuse où les pères sont tenus à distance, par la séparation ou l’éloignement professionnel.

7. La isla minima (Espagne) / La peau de Bax (Pays-Bas)

La recréation du thriller poisseux et mouillé en Europe, dans les marécages du Guadalquivir en Andalousie ou les marais des polders néerlandais, avec des mises en scènes inventives, aux effets parfois faciles, mais efficaces, tout en ruptures, rebondissements, retours en arrière et accélérations brutales. Les scénarios sont tordus à l’extrême. Le suspens peut être à la fois aride et humide !

8. It follows (Etats-Unis) / Le fils de Saul (Hongrie)

Pourquoi oser rapprocher deux films aussi différents, un film sur l’horreur des camps de concentration et un film horrifique américain ? Parce que le cinéma est aussi affaire de qu’il produit sur nous, de l’effectivité / efficacité des images. Ce sont les deux films qui m’ont fait trembler, sursauter, crisser, et dont je suis sorti effrayé, abasourdi, hagard, la boule au ventre.

9. Mia madre (Italie) / Une seconde mère (Brésil)

« Au-delà des montagnes », « Fatima », « Back home »…, et maintenant, ces deux films : encore les mères au cinéma en 2015. Y a-t-il un autre sujet plus important ? La mère qui meurt, la mère qui abandonne, il y a toujours un problème à régler !

10. Much loved (Maroc) / Mustang (Turquie)

Deux films sur l’enfermement dans des sociétés musulmanes (le cinéma a été en forte résonance avec l’actualité, comme souvent, si on y ajoute « Fatima », « A peine j’ouvre les yeux », « Révolution Zendj »…) : l’enfermement dans la prostitution au Maroc, l’enfermement dans une maison barricadée en Turquie, avec à chaque fois une énergie explosive, une envie d’en découdre, un esprit de liberté qui emportent ces deux groupes de jeunes femmes.

11. Ni le ciel ni la terre (France) / Good Kill (Etats-Unis)

La guerre, le désert, la disparition, encore deux films qui vibrent au diapason du monde : pilote de drone américain très loin des terrains d’action, comme soldats français perdus dans les montagnes afghanes se retrouvent absorbés, dissous, retirés de la vie. Ils s’évaporent dans leur cœur, et dans leurs âmes. Deux films sur l’évanescence de l’existence.

12. Notre petite sœur (Japon) / Gente de bien (Colombie)

Une vision optimiste de la capacité à élargir la famille au Japon se trouve confrontée à son pendant pessimiste colombien : oui, il est possible de surmonter les différences dans l’éducation, les origines, les classes sociales pour se dépasser et intégrer une pièce rapportée, ou non, le déterminisme, la rancœur, l’humiliation et l’exaspération l’emportent… A nous de choisir.

13. Les nuits blanches du facteur (Russie) / The hill of freedom (Corée du sud)

Le badinage amoureux ne connaît pas de frontière, autour d’un lac russe ou d’une colline de Séoul : vive la vie, vive la joie, vivent les rencontres. Seul l’amour, la tendresse, la sensualité sont sacrés, avec pas mal d’alcool pour arroser tout ça, chez les slaves comme les coréens !

14. Snow therapy (Suède) / The lobster (Grèce)

Le couple dans tout son effroi, mal assorti, névrosé, mortifère, actuel, ou obligé, dans un futur indéterminé, de s’apparier comme des animaux, par ressemblances et conformités, dans les deux cas une vision qui laisse peu d’espoir à ce tête-à-tête qui ne mène nulle part, sinon à la tristesse et à la violence. Ajoutons que les hommes n’y ont pas la part belle : hésitants, indécis, irrésolus, leur courage viril est tout sauf une évidence ! C’est bien plutôt la faiblesse qui les tiraille…

15. Taxi Téhéran (Iran) / Les mille et une nuits (Portugal)

Où l’on voit que l’économie de moyens, soit par l’interdiction de filmer, soit par choix d’un modèle alternatif, peut conduire à des œuvres stimulantes, dérangeantes, à la fois drôles et sans concessions, qui bousculent notre vision du monde ou notre appréhension de la vie en société. L’humour et la cocasserie n’en sont jamais absents, même si la prime va à l’Iranien : malgré la censure, il suffit de monter en voiture, pour voir défiler la ville, la vie, les gens.

16. The other side (Etats-Unis) / Les chansons que mes frères m’ont apprises (Etats-Unis)

Aux Etats-Unis, deux communautés de marginaux, que tout oppose, ont fait l’objet de deux films passionnants en 2015 : le Lumpenproletariat white trash accro aux armes à feu dans les marais de Louisiane et une réserve d’Indiens Lakotas dans le Dakota du Sud. Trafics d’alcool ou de dope jalonnent ces parcours, où la volonté d’en sortir, de quitter son milieu de naissance, se heurte à un mur hélas solidement étayé par les misères et les souffrances accumulées.

Et j’ajoute une mention spéciale pour « Asphalte » (France) et « Les secrets des autres » (Etats-Unis). Impossible de tout placer dans une sélection de coups de cœur !

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