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Les « gilets jaunes », une veste pour la démocratie représentative ?

Titre ironique pour un moment politique rare, dont nous devons tirer les conséquences. Le statu quo n’est pas envisageable, et cela justifie pleinement les annonces puissantes du Président de la République et l’organisation du débat national en région.

Cela doit nous interroger sur l’élaboration du budget, et plus amplement des politiques publiques. Les citoyens, les usagers, qui sont pourtant les premiers concernés sont en réalités souvent les grand oubliés et les derniers informés, ou bien trop tard, ou bien pas assez. Où est le citoyen dans le processus de décision ? Nulle part, trop loin.

Parler de malaise démocratique en Europe n’est pas une exagération. Cela est d’autant plus préoccupant que cette fatigue se meut progressivement en rejet ou pour un attrait croissant pour des « hommes forts ». Ainsi, une étude conduite l’an dernier par le Pew Research Center sur près de 40 pays indique que 12% des Français seraient prêts à élire « un homme ou une femme forte », mais cette proportion atteint 24% en Hongrie, 26% au Royaume-Uni et 29% en Italie.

Attention, à ne pas confondre les causes et les conséquences. Je crois que cette défiance et cette tentation des extrêmes – qui ne se confond pas avec le fait de revêtir un gilet jaune – découle d’une insuffisante prise en compte par les décideurs publics des attentes, craintes et ambitions des citoyens. En ce sens, les « gilets jaunes » nous livrent un certain constat d’échec de l’organisation territoriale dans notre pays. Les élus locaux ne peuvent pas s’en exonérer, en renvoyant la faute à l’Etat. 

Notre pays a trop attendu les transformations. Et, cette « crise » n’est paradoxalement pas un motif de ralentissement, au contraire. Les inégalités territoriales et sociales qui se sont exprimées ne datent pas de l’élection du Président de la République.

C’est le défi du Gouvernement pour le début d’année : que ce soit en matière de retraites – notre système est devenu illisible, injuste et inadapté aux nouveaux parcours; à la fonction publique – qui doit gagner en attractivité (rappelons à ce titre les centaines, voire milliers, de postes d’enseignants non pourvus ! ) et en agilité (oui, c’est possible !) ou encore le chantier structurant des mobilités du quotidien comme de l’assurance-chômage.

Je reviens à la participation. C’est une demande récurrente de certains « gilets jaunes » et d’intellectuels de droite comme de gauche – notamment à travers le référendum d’initiative citoyenne (RIC). Mon opinion n’est pas complètement mûre sur ce sujet, j’en mesure le potentiel, mais j’émets les plus vives réserves. Je pense qu’il y a aussi des biais, des dérives, des récupérations qui peuvent affaiblir les institutions. Ou cela nous mènera-t-il, si ce n’est au risque du pire, parfois ? Et ces référendums plébiscitaires ou révocatoires, qui n’appartiennent pas à notre tradition politique contrairement à la Suisse,l’ Italie ou aux Etats-Unis, sont-ils vraiment des solutions pour le 21ème siècle ? Étendons les possibilités de référendums nationaux, facilitons les référendums d’initiative locale, bref utilisons d’abord davantage les outils existants, avant d’ouvrir une boîte de Pandore de maux nouveaux.

En revanche, je suis avec intérêt les travaux des acteurs de la civic tech  Il y a 10 ans les citoyens islandais ont co-écrit, co-construit, leur constitution après une crise financière gravissime. Le législateur, que je suis, pense que nous devons franchir une étape dans la co-rédaction des lois, des amendements, mais aussi de l’évaluation des politiques publiques (ex: soit a posteriori, une mission sur les raisons des offres non pourvues au sein du Ministère de l’Education nationale, soit de façon prospective, sur le potentiel économique et social des transports en commun autonomes).

Les outils numériques permettent une meilleure coordination et de rapprocher des concitoyens parfois éloignés géographique et/ou culturellement du champ de la décision. Ils nous permettent d’interagir directement. Demain, j’aimerais pouvoir travailler sur des propositions, dans le cadre d’un rapport parlementaire, avec des citoyens aussi bien dans l’Hérault qu’en Guyane, en passant par les Vosges ou Barcelone pour les Français de l’étranger. Plutôt que l’archaïque référendum – plebiscite, tournons-nous vers la co-élaboration pluraliste des lois, grâce aux plateformes sociales en ligne : à quand le premier texte rédigé sur Slack ?

Je vais mettre à profit la suspension des travaux de Noël pour creuser ce sillon. Le pire serait d’en faire un gadget, ce n’est pas ma philosophie. La consultation, voire in fine la co-rédaction de la loi avec les citoyens, est à mon sens une piste sérieuse pour répondre durablement – au delà du mois de mars – à cette crise démocratique, à la fois inédite, profonde et – espérons-le – salutaire.

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