Tout le reste
Notre dormeur du Val
Notre dormeur du val,
d’après Rimbaud,
inspiré par quelques photos
C’est un creux de ressac où chante une calme mer,
Accrochant follement aux algues des haillons
D’argent ; où le soleil, de la Méditerranée fière,
Luit : c’est une petite plage qui bulle de rayons.
Un migrant jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans la fraîche écume bleue,
Dort ; il est étendu sur le sable, sous la nue,
Pâle dans son lit jaune où la lumière pleut.
Les pieds dans les flots bleus, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Douce mer, berce-le fraîchement : il a chaud.
Les embruns ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a ses deux poumons remplis d’eau.
Le dormeur du Val,
Arthur Rimbaud
« C’est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D’argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.
Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit. »