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2/ Le monde, le lendemain : une crise économique inédite

La crise sanitaire que nous vivons est inédite, et ses conséquences économiques et sociales n’ont pas de précédent depuis la Libération. Depuis le 17 mars, et le début de la période de confinement, des secteurs économiques entiers sont à l’arrêt, par exemple la restauration, le transport aérien ou encore les travaux publics. D’autres, heureusement, pour la continuité du pays, demeurent actifs comme l’agroalimentaire ou les services financiers. Tout le monde va prochainement se rendre compte du caractère brutal et massif de ce choc économique, pour l’emploi, l’investissement des entreprises, la consommation des ménages.

C’est vers un appauvrissement inconnu que nous allons.

Les nouvelles européennes sont préoccupantes pour le moment. Le retour galopant des égoïsmes nationaux fait redouter une partition de la zone euro, d’autant moins rationnelle que la politique monétaire est au rendez-vous depuis le début de la crise. La division n’est pas acceptable, et je partage les propos de Christine Lagarde, présidente de la BCE, qui appelle à créer un fonds de reconstruction européen. Tout sauf l’inertie, tout sauf l’impasse !

L’impact de l’épidémie est d’ores et déjà sévère. L’INSEE estime à 3 points de PIB annuel – la perte économique d’un mois de confinement pour la France, soit 70 milliards d’euros en valeur absolue. Depuis le début du confinement, l’activité économique de notre pays a reculé de 36%, toujours selon l’INSEE. Les prévisions – au 9 avril – font état d’une récession de -6% du PIB pour 2020 et d’une dégradation du déficit public à -7,5% du PIB . Notre dette publique à fin 2020 représenterait 112% du PIB, soit 14 points de plus que les prévisions votées lors du budget cet automne.

L’État n’a pas attendu pour agir. Plus de 6 millions de Français bénéficient du dispositif de chômage partiel déployé, soit 1 salarié sur 4. Ce chiffre est à comparer avec les 10 millions d’Américains qui se sont retrouvés licenciés ces derniers jours du fait du ralentissement économique. Nous avons appris de la crise financière de 2008-2009 et nous considérons que ce recours au chômage partiel est le meilleur moyen de préserver des emplois et les compétences. 8,5 milliards d’euros avaient été budgétés, c’est désormais 20 milliards d’euros qui sont prévus par l’État pour financer ce dispositif de protection.

Le fonds de solidarité à destination des TPE a déjà a été sollicité par 700 000 entreprises. S’agissant des prêts bancaires garantis par l’État, ce sont plus de 20Md€ de prêts qui ont été demandés par 100 000 entreprises en une semaine. Nous examinerons un nouveau projet de loi de finances au Sénat dès le 17 avril pour élargir le champ du fonds, notamment pour y inclure les loyers des entreprises et commerces en difficulté – pour une valeur totale de 6Md€.

Comme le rappelle avec justesse Jean Quatremer, l’Union Européenne a réussi depuis début mars à dépasser ses « vaches sacrées », dont le pacte de stabilité et de croissance budgétaire, pour amortir et répondre au mieux à la crise du Covid-19. La solidarité européenne n’est pas une option, c’est une question de survie existentielle pour l’Union Européenne. Certes le Mécanisme européen de stabilité va être activé dans un sens expansif (activation d’une ligne de crédit non conditionnel), la BEI va jouer son rôle, le financement des mesures de chômage partiel fait l’objet d’aides européennes. Avec la BCE, cela représente sans doute plus de 1500 milliards d’euros, ce qui n’est pas rien. Cependant, au-delà du verre à moitié plein pour les optimistes et à moitié vide pour les pessimistes, c’est surtout un message politique partagé, un élan de rassemblement, une volonté commune de relever les défis dont a besoin l’Europe : oui à un budget dédié à la suite de la crise, couplé à un grand emprunt européen !

En tout état de cause, il ne s’agit pas d’augmenter nos prélèvements obligatoires qui sont à un niveau élevé, bien qu’en reflux depuis 2017, mais en maintenant l’investissement et aidant les secteurs en difficulté. Les recettes budgétaires éculées me semblent d’aucun secours : il ne s’agit pas de réveiller l’austérité ou d’augmenter les impôts, il s’agit à court terme de prévenir les faillites et le chômage qu’elles impliquent, mais aussi de concevoir une relance vraiment écologique.

Je souscris pleinement à une nécessaire souveraineté industrielle retrouvée, notamment pour les produits et équipements de santé, mais aussi pour notre alimentation. L’équation technologique, environnementale et politique, c’est comment relocaliser les usines, les emplois, en recréant le moins possible de pollution.

Le confinement réduirait de près de 60% les émissions de CO² en Europe, chiffre là encore inédit, mais qui doit nous interpeller dans la conception de certaines politiques publiques : transports, industrie, logement… Il importe de ne pas perdre le cap climatique, dans cette tempête d’une gravité extrême.

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