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6/ Le monde, le lendemain : la démocratie à l’épreuve

La crise sanitaire le prouve : notre démocratie parlementaire fait montre de capacité dadaptation. Assemblée et Sénat ont su modifier leurs modes d’organisation de la vie pratique des deux chambres. À noter, par exemple, que ce n’est pas le cas du Congrès américain. Grâce à la technologie, notamment le recours à des visioconférences en lieu et place des réunions de groupe et des auditions nombreuses en commissions, les parlementaires ont pu continuer l’examen des textes d’urgence pour protéger les Français face à l’épidémie et soutenir nos entreprises et nos emplois.

Membre de la commission des finances, je suis revenu plusieurs fois au Sénat pour suivre et intervenir lors des débats budgétaires – et cet hémicycle clairsemé, car conforme aux gestes barrière, m’a ému mais également rassuré. Notre démocratie passe son stress-test.

Il me semble nécessaire de pérenniser ce recours aux visioconférences, y compris lorsque l’épidémie de Covid-19 sera derrière nous. Cela permettra aux parlementaires de rééquilibrer leurs semaines entre circonscriptions et réunions parlementaires. Il faudra également faciliter le vote à distance – y compris pour les réunions de commission – afin de permettre à tous les élus, même à plusieurs centaines de kilomètres, de se positionner sur tel ou tel amendement. Bien entendu, les enjeux de sécurité informatique sont considérables, mais pas insurmontables.

Évidemment, les historiens ne manqueront pas de s’interroger sur la question du maintien du 1er tour des élections municipales et seront sans doute surpris de voir la versatilité de certains responsables politiques d’opposition. Car, depuis le 12 mars et l’annonce par le Président de la République du maintien, tout a été dit. Ceux qui dressent le procès du Gouvernement en « irresponsabilité sanitaire » étaient les mêmes à dénoncer, par anticipation, un « coup d’État ». La vie politique – dans tout ce qu’elle a d’exaltant, mais aussi d’exaspérant – n’a pas été mise entre parenthèses. L’union nationale, je le déplore, ne fut guère plus qu’un hashtag et les réflexes partisans ont redoublé, jusqu’à la caricature pour certains.

Le consensus n’est pas complètement caduc dans notre pays – et je salue la majorité du Sénat d’avoir adopté et enrichi les budgets d’urgence, quand les insoumis et communistes se sont murés dans une opposition de principe.

Cela étant, les démocrates doivent être plus que jamais vigilants. Nous avons vu ces dernières semaines ce que donnent la gestion populiste d’une pandémie historique, de la Maison Blanche au Brésil en passant par la Hongrie. La vague « illibérale » – si bien analysée par l’essayiste Yascha MOUNK – n’est pas derrière nous et nous devons anticiper une progression des inégalités en Europe à la suite de la crise économique et de la progression conjoncturelle du chômage.

Ces populismes se sont caractérisés par une généralisation des théories du complot qui fleurissent sur Internet et qui peuvent avoir des conséquences sanitaires dramatiques. Le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) évoque une « infodémie » et c’est l’un des défis pour les décideurs publics de préserver la parole publique à l’ère de la « post-vérité ». Les réseaux sociaux sont les miroirs déformants et les vecteurs de ces fausses informations – mais qui ont des conséquences politiques – pas au seul sens électoral. Cette hyper-défiance, déjà largement commentée, s’est décuplée à la faveur d’une épidémie dont on ne connaît pas l’évolution.

Toute diabolisation est vaine. Il me semble que le meilleur antidote à cette crise doit être plus de démocratie. Le Gouvernement avait déjà commencé à en poser les jalons à travers la convention citoyenne pour le climat qui va fournir des propositions d’action pour l’urgence écologique. Le Président de la République n’a pas exclu le recours au référendum – c’est à mon sens un recours légitime a fortiori si nous adaptons notre contrat social, économique, écologique. Plus que jamais, les politiques doivent expliquer, débattre, savoir écouter les citoyens et oser dire quand ils ne savent pas.

Il est encore trop tôt pour définir quelles seront toutes les conséquences politiques du covid-19, mais chacun pressent qu’elles seront profondes. Depuis 45 jours, nous protégeons tous – à notre échelle, par notre respect du confinement, en acceptant de restreindre nos libertés publiques – quelque chose qui est plus qu’un principe et qui nous unit, quoi qu’on en dise, la République.

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