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7/ Le monde, le lendemain : travailler autrement

La crise du Covid-19 transforme notre relation au travail. Je suis conscient que tous les métiers ne sont pas compatibles avec le télétravail – et les dernières semaines le prouvent. Évidemment, les personnels soignants qui sont mobilisés depuis le début de la crise – mais aussi les caissières, les vigiles, les chauffeurs de train, métro, bus ou taxi, les agriculteurs – bien sûr – qui n’ont pas interrompu leur activité et qui ont permis de nourrir le pays. Toutes ces professions – en première ou deuxième ligne – avec le virus sont non-délocalisables et jouent un rôle essentiel pour la cohésion du pays.

Aujourd’hui, 1 actif sur 3 est au télétravail. 2 télétravailleurs sur 3 sont des cadres. En effet, beaucoup de salariés, en France comme ailleurs, ont découvert en un temps record les visioconférences à distance. Près d’un salarié francilien sur deux est en télétravail – ce qui s’explique par la très forte proportion de cadres et la forte densité de bureaux.

La part des employés travaillant à domicile était jusque là relativement faible en Europe – 6,6 % de la population active en France en 2018, mais 5 % en Allemagne et 14 % aux Pays-Bas et en Finlande. Cela étant, l’intérêt pour le télétravail, dans le public, comme dans le privé, n’a pas faibli ces dernières années. En ce sens, la crise du Covid-19 accélère des tendances latentes sur le marché du travail. 6 nouveaux télétravailleurs sur 10 souhaitent pratiquer davantage le télétravail après le confinement.

Les nombreuses enquêtes d’opinion conduites depuis début mars mettent en évidence les avantages perçus du recours au télétravail : réduction de la pollution et du temps passé dans les transports, possibilité de mieux concilier la vie professionnelle et la vie privée, meilleure capacité de concentration. Cela met également en lumière certains risques : isolement des salariés par rapport à l’entreprise, hyper-connexion, diminution du sentiment d’appartenance à l’entreprise. Évidemment, le recours au télétravail n’évacue pas la question de la santé – psychologique et physique – au travail, par exemple la question du mal de dos.

Nous ne sommes qu’au début de cette évolution mais qui va avoir des conséquences concrètes, y compris en matière d’urbanisme commercial. En effet, un nombre croissant d’entreprises se pose la question de garder tout ou partie de ses bureaux physiques et d’occupation de l’espace. En milieu urbain, où l’espace est une ressource rare, la transformation des immeubles de bureaux en logements, privés ou sociaux, doit être développée – comme cela a été rendu possible par la loi ELAN. À noter également que le budget pour 2020 prévoit l’exonération de plus-values immobilières pour les propriétaires de bureaux vendant leur logement à des organismes HLM.

Cela étant, les bureaux ne vont pas disparaître complètement, y compris pour les entreprises recourant au télétravail. Dès le déconfinement, et cela a été documenté par le Ministère de Travail à travers des protocoles par métier, l’espace de travail va changer. Le respect des règles de distanciation sociale dans l’open space va être un vrai défi pour les chefs d’entreprise et managers. Le mobilier de bureau – cloisons de plexiglas, voire le retour des très « seventies » bureaux à cloison pour protéger la santé des salariés.

Certains observateurs voient dans cette crise un coup de grâce porté à l’open space, souvent critiqué comme un facteur de stress et de surveillance pesante entre salariés. L’impératif sanitaire entraîne – dès le 11 mai – une reconfiguration de l’espace de travail.  La suite pour les entreprises passera logiquement par davantage de réunions par visioconférences que réunions physiques, d’un recours beaucoup plus mesuré aux « voyages d’affaires » ou rencontres internationales, de simplification de certains organigrammes.

Bien entendu, ces réflexions sur le travail n’annulent pas la priorité qui reste celle de l’emploi. Le dispositif d’activité partielle qui concerne désormais près de 6 salariés du secteur privé sur 10 est un filet de sécurité indispensable. Le rôle du responsable politique est, quoi qu’on en dise, de dire la vérité. Oui, le taux de chômage va fortement progresser ces prochains mois – à la fois du fait du gel des embauches par des entreprises fragilisées financièrement et/ou prudentes sur la reprise, mais aussi du fait de licenciements.

Cette augmentation prévisible de demandeurs d’emploi doit évidemment se doubler d’un dispositif d’accompagnement adapté – à la fois par Pôle Emploi, mais aussi et surtout par des opérateurs privés labellisés, pour permettre de retrouver du travail rapidement. Cela peut passer, dans l’intervalle par un recours accru à des dispositifs d’activité réduite, pour mettre aux demandeurs d’emploi de cumuler un contrat de travail en parallèle de l’indemnisation chômage.

C’est aussi dans ce contexte que les dispositifs de formation continue permis par la loi « avenir professionnel » doivent être activés. Reste que les dépenses de formation des entreprises risquent de devenir une variable d’ajustement, alors qu’elles sont un des instruments de sortie de crise et de protection des compétences : sur cet enjeu majeur aussi, il faudra les aider.

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