Transportés
L’équilibriste ou le jongleur ?
Le rapport de Pascal Auzannet a été remis aujourd’hui à la Ministre de l’Égalité des territoires et du logement en même temps qu’il a été rendu public.
Très attendu des élus de tous bords, ce rapport doit permettre de clarifier le débat entourant le réseau de transport du Grand Paris Express dessiné et approuvé en mai 2011.
Ce rapport est aussi le moyen de mettre un terme à la période ouverte par Nicolas Sarkozy sur ce projet. Cette période a été marquée par la volonté délibérée de l’ancien président de sous-estimer très fortement les coûts, de comprimer les plannings au point de les rendre irréalistes, en s’asseyant sur les compétences des collectivités, tout ceci à des fins électoralistes. Nous connaissons le résultat de ces manœuvres.
Dès sa prise de fonction, le nouveau Président de la République a marqué son attachement au projet. Il a souhaité que les coûts et les délais soient expertisés pour aboutir à un phasage du projet. C’est l’objet de la mission qui a été confiée par la Ministre Cécile Duflot à Pascal Auzannet le 1er septembre dernier.
Le rapport de Monsieur Auzannet est un vrai travail d’équilibriste. Il remet au clair l’ensemble des données accumulées sur le sujet depuis deux ans et définit plusieurs hypothèses de financement.
Il précise bien que la Société du Grand Paris perçoit dès à présent de l’ordre de 300 millions d’euros de recettes fiscales chaque année. A ce rythme, les problèmes du RER A pourraient trouver une solution positive en 2 ans seulement.
Pour réaliser le projet tel qu’il a été dessiné et selon le calendrier défini en 2011, c’est-à-dire à échéance 2025, il faudrait non pas 4,9 milliards d’euros de dotation de la puissance publique (4 par l’Etat, 900 millions par les collectivités), comme cela est prévu dans la loi sur le Grand Paris de juin 2010, mais 12 milliards ! Il semble évident que cette somme ne pourra pas être rassemblée dans le contexte actuel.
Si l’Etat et les collectivités parviennent à rassembler les 4,9 milliards d’euros promis, ce n’est pas en 2025 mais au moins en 2030 que le réseau pourrait être achevé. Dans l’hypothèse, plus probable, d’une dotation initiale de 2 milliards d’euros seulement, c’est en 2040 que le réseau pourrait être achevé.
Ces hypothèses sont une façon habile de présenter le projet. Pascal Auzannet sous-entend qu’il n’appartient qu’aux élus de trancher : plus ils seront en mesure de se mobiliser pour le projet, plus vite il sera réalisé. Cela lui permet d’éviter d’afficher un ordre de priorités et donc de s’opposer trop frontalement aux élus de tel ou tel territoire. Ce n’est pourtant pas ainsi que ces derniers l’ont compris, à en juger par les premières réactions.
Cela posé, des « préférences » se dessinent, car quelle que soit l’hypothèse retenue, les sections suivantes apparaissent systématiquement en première position :
– la ligne bleue plus connue sous le nom de ligne 14 entre St-Lazare et St-Ouen qui vient justement de faire l’objet de décisions récentes sur son financement global. C’est la 1e étape du Grand Paris Express.
– la ligne rouge qui serait limitée à la section Pont-de-Sèvres <> Champigny (et non plus Noisy-Champs)
– une autre section de la ligne rouge entre Pleyel et la Défense
– la ligne orange réduite aux 2/3 et limitée entre Pleyel et Rosny
– la ligne verte réduite à la section Massy <> Saclay pour desservir l’ex-cluster du Plateau de Saclay cher à Madame Pécresse notamment.
Ainsi se dessine ce qui semble devoir être la 1e étape du réseau Grand Paris Express. C’est un résultat équilibré à tous points de vue.
Selon moi, pour Paris, ce réseau est une première réponse satisfaisante mais incomplète.
Certes, la désaturation de la ligne 13 par le prolongement de la ligne 14 est bien confirmée en pôle-position des priorités, mais comment pourrait-il en être autrement puisque le budget de cette opération engagée dès 2008 est d’ores et déjà bouclé ?
Certes, une grande partie de la rocade en petite couronne est préfigurée et c’est elle qui sera le mieux à même de désaturer le réseau de métro et de RER de Paris et de la petite couronne.
Cependant, il manque les liens entre Paris et les aéroports et en premier lieu le prolongement de la ligne 14 à Orly qui devait également permettre de créer une nouvelle desserte dans le 13e arrondissement.
Il manque également des portions importantes de la rocade en petite couronne notamment à l’est, en Seine-St-Denis et dans le Val-de-Marne, que l’on sait particulièrement sous équipés.
Il manque enfin de quoi assurer durablement et efficacement la desserte du plateau de Clichy – Montfermeil, malheureusement trop connu pour son enclavement.
Je considère donc ce rapport comme une première étape de réflexion – avec un travail de chiffrage enfin approfondi – et les arbitrages qui seront rendus par le Gouvernement en février prochain doivent venir stabiliser et crédibiliser ce projet capital qu’est le Grand Paris Express.