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L’hydrogène, un nouveau rêve français

Avec près de 50 000 morts par an, en France, la pollution de l’air doit être prise au sérieux. Elle nous rappelle la multiplicité des problématiques liées à la combustion des énergies fossiles : le réchauffement climatique bien sûr mais aussi la qualité de l’air que nous respirons, tout particulièrement en milieu urbain.
Sur ce second point, je reste méfiant des approches dogmatiques. Plutôt que de mettre les solutions (et les usagers) en concurrence – transports en commun contre vélo, voiture électrique contre piétonisation – nous devons toutes les envisager. Le « tout-voiture » a été une erreur pour nos villes et nos poumons, nous devons réduire drastiquement la place de la voiture individuelle polluante. Les solutions ne seront pas unidimensionnelles mais plurielles.
De ce point de vue, la filière hydrogène nous offre des perspectives d’avenir, tout particulièrement pour les mobilités dîtes « lourdes » là où les batteries ne suffisent pas, comme pour les transports aérien, fluvial et maritime, le transport de marchandise par camion ou encore celui de passager (trains, bus, autocars…). Une énergie qui ne rejette que de l’eau, ce sont des émissions de gaz à effet de serre évitées pour tenir nos engagements climatiques et moins de particules fines, de soufre et d’oxyde d’azote pour respirer dans nos villes. Une énergie propre, quasi-infinie.
Enfin propre… Reste encore à savoir comment elle est produite ! Des camions propres dont l’hydrogène serait généré par la puissance d’une centrale à charbon ne feraient que déplacer le problème pour mieux le masquer. Par l’électrolyse de l’eau, nous pouvons produire de l’hydrogène propre et la France dispose d’un solide atout en la matière : son mix énergétique.
En 2019, 70,6 % de notre production électrique était d’origine nucléaire, 21,5 % provenait du bloc renouvelable (hydraulique 11,2 %, éolien 6,3 %, solaire 2,2 %, bioénergies 1,8 %) et 7,9 % des énergies fossiles (principalement le gaz à 7,2 %, le fioul à 0,4 % et le charbon à 0,3 %).
92 % de notre production d’électricité est décarbonée et cette tendance ne va que se renforcer (fermeture définitive des centrales à charbon, investissements pour les énergies renouvelables…). Nous pouvons développer progressivement, en France, une filière propre de production d’hydrogène par électrolyse afin de couvrir nos besoins actuels et ceux des mobilités futures.
À horizon 10 ans, cette filière présenterait d’évidents avantages sur les plans environnemental (émission de GES) et sanitaire (pollution de l’air), mais répondrait aussi à d’autres objectifs :
- une filière industrielle et des emplois pérennes, en dizaines de milliers, sur notre territoire ;
- des garanties pour une meilleure souveraineté (énergétique, technologique) de la France et de l’Europe ;
- la baisse de la facture énergétique et le rétablissement de notre balance commerciale.
Après le lancement franco-allemand d’un « Airbus de la batterie », nous avons été l’un des premiers États à déployer un plan hydrogène (en 2018), preuve que nous prenons la question énergétique au sérieux. Sur la période 2020-2030, c’est 7 Mds € qui seront consacrés à la filière, dont 2Mds € dès le plan de relance 2021. Ces investissements serviront à lancer la production par électrolyse pour décarboner la filière, développer les mobilités lourdes à l’hydrogène, financer la recherche, l’innovation, le développement et la formation professionnelle.
De son côté, l’Union européenne place la filière hydrogène comme stratégique pour les prochaines décennies. La Clean Hydrogen Alliance permettra d’organiser et coordonner les travaux des États membres. La France et l’Allemagne, s’engagent tout particulièrement pour la construction d’un PIIEC (Projet Important d’Intérêt Européen Commun) afin de mutualiser le financement d’une chaîne de valeur européenne tout en diminuant les freins normatifs, réglementaires et financiers.
Nous avons tiré les leçons de notre situation actuelle – ultra-dépendance énergétique aux pays de l’Opep, quasi-monopole asiatique sur la production des panneaux solaires, de batteries pour voitures électriques – je m’en réjouis. La France à une carte à jouer, à nous désormais de faire nos preuve sur l’hydrogène propre !