Transportés
Quand Nathalie Kosciusko-Morizet déraille…
Depuis qu’elle est entrée sur la scène des municipales à Paris, Nathalie Kosciusko-Morizet multiplie les interventions pour s’exprimer beaucoup sur les sujets nationaux ou la réforme du scrutin et plus anecdotiquement pour faire des propositions concrètes aux parisiens. Je le conçois, il faut du temps pour s’approprier les problématiques d’un territoire nouveau.
Mais rendons à César ce qui est à César, je dois reconnaitre qu’à l’occasion d’un débat sur iTélé pendant la primaire UMP, quelques maigres propositions ont bien été formulées. Ces propositions, reprises à l’unisson par l’ensemble des futurs ex-candidats à la primaire et y compris Nathalie Kosciusko-Morizet, oscillaient entre l’absurde et l’irréaliste. Elles sont pour moi emblématique de la vision passéiste et éculée qu’a encore largement la droite parisienne sur les déplacements. Elles révèlent avant tout une méconnaissance complète des sujets.
Les parcs relais aux portes de Paris
Tous se sont prononcés pour la création de parcs relais aux portes de Paris. C’était une idée nouvelle… qui date du milieu des années 1960. Elle a été poussée à son maximum puisque toutes les portes de Paris ont été équipées d’un parking au cours des années 1970, avec des capacités toujours très élevées : 900 places à la Porte de la Chapelle, 900 places à la Porte d’Italie… Cela fait presque 45 ans que l’on constate que ces parkings sont totalement inopérants. On a pourtant montré qu’ils étaient bien positionnés aux débouchés des autoroutes, en contact avec les terminus des lignes de métro. Toutes les études montrent qu’il sont trop proches de Paris pour être attractifs. Les automobilistes parvenus jusqu’aux portes après avoir franchi les points de saturation en banlieue n’ont aucun intérêt à abandonner leur véhicule à ce stade de leur déplacement. Les 2300 places du parking de la porte de Bagnolet mis en service en 1971 en même temps que l’autoroute A3 et le prolongement de la ligne 3 à Gallieni desservent maintenant un centre commercial. Ce n’est pas exactement l’objectif initial. Aujourd’hui, moins de 60 personnes effectuent chaque jour une correspondance entre le parking et le métro. Véritable aspirateur à voitures, il contribue à saturer la porte de Bagnolet chaque week-end ! Les riverains subissent encore, en termes de bruit et de pollution, les conséquences de ces choix désastreux des années 1970 !
Le parking de la Porte de la Chapelle est fermé depuis 2012 sans avoir provoqué aucune difficulté. Ce sera bientôt le tour du parking de la Porte d’Italie.
Le seul parking qui ait une fonction vis-à-vis des transports en commun est celui de la Porte d’Orléans. Mais moins de 15% des automobilistes qui y stationnent prennent la ligne 4 du métro … On le voit, cette idée a déjà vécu.
La couverture du périphérique
Nathalie Kosciusko-Morizet s’est également prononcée en faveur de la couverture du périphérique afin d’y créer « des pôles intermodaux ». Rien de moins. Sait-elle seulement ce qu’ont coûté les opérations de couverture menées à la Porte des Lilas et à la Porte de Vanves ? C’est notre majorité qui a eu le courage d’entreprende et de réaliser ces couvertures dans des quartiers longtemps délaissés par la droite parisienne. Nous qui avons testé les enrobés phoniques innovants permettant de réduire considérablement les nuisances. Nous qui avons entrepris des opérations urbaines dans ces quartiers, comme Python-Duvernois… Lui-a-t-on également indiqué que les deux tiers du périphérique sont de plain-pied ou en viaduc ? On nous expliquera dès lors comment couvrir le viaduc qui va de la Porte de Clignancourt à la Porte du Pré-St-Gervais. Non, le périphérique n’a pas été réalisé partout en tranchée ou en souterrain comme cela a été fait dans le 16e et le 17e arrondissement, précisément dans les beaux quartiers. De plus, pour créer des pôles intermodaux, il est utile de disposer d’une offre de transports en commun. Cette offre n’existe pas au niveau du périphérique et pour cause, elle déjà en place sur les boulevards des Maréchaux à quelque centaines de mètres de là : métro, tramway T3, lignes de bus. A moins de déplacer cette offre de transports sur les hypothétiques couvertures du périphérique, je ne vois pas comment Madame Kosciusko-Morizet va donner une suite à sa belle idée. Une autre coquille vide.
La mise en accessibilité du métro
Enfin, à la manière d’une personne qui découvre un sujet, Madame Kosciusko-Morizet s’est déclarée haut et fort en faveur de la mise en accessibilité du métro. Là encore, la belle affaire ! Je l’invite pour commencer à se rapprocher du STIF et de la RATP. Je rappelle en effet que le métro date du début du XXème siècle, au cas où cela lui aurait échappé. Les obstacles techniques sont tels que la majorité des stations ne peuvent pas être rendues accessibles. Ces stations les plus difficiles sont aussi celles qui proposent le plus de correspondances, c’est-à-dire les plus intéressantes. Autrement dit, on pourrait rendre accessible la station Église d’Auteuil mais pas Châtelet. Un seul exemple : la RATP a conclu que pour rejoindre la surface depuis la ligne 5 à la Gare du Nord, il faudrait emprunter pas moins de 7 ascenseurs différents, qui ne devront jamais être en panne en même temps. Est-ce un résultat satisfaisant pour un investissement au bas mot compris entre 4 et 5 milliards d’euros ? Bien entendu, dès lors que des projets le permettent, il faut en faire un levier : ainsi le prolongement de la ligne 11 jusqu’à Rosny-Bois Perrier s’accompagne de la mise en accessibilité de toutes les nouvelles stations et des anciennes qui pourront l’être (Porte des Lilas et Mairie des Lilas) ! Enfin, je rappelle que la loi handicap de 2005 exclut le réseau métro du périmètre. L’obligation faite au STIF et à la Mairie de Paris est de rendre accessible les réseaux de surface : c’est le cas bien sûr du tram, c’est aussi le cas du réseau bus accessible à Paris depuis janvier 2010. Par ailleurs, l’ensemble des stations RER de Paris seront traitées d’ici à 2015. Bref, Paris est largement en avance sur l’accessibilité des transports collectifs et bien des grandes villes souhaiteraient disposer de lignes de bus entièrement accessibles…
Je ne suis pas certain que ces premières propositions lumineuses sur les transports prospèrent longtemps dans le futur programme de la candidate de droite. J’attends donc avec impatience les suivantes ! Sans trop d’illusions cependant : anachronique, archaïque voire rétrograde, la droite parisienne n’a rien appris ni rien oublié !
C’est bien sur les propositions d’Anne Hidalgo et d’Oser Paris que les Parisiens devront compter pour oeuvrer en faveur du rééquilibrage de l’espace public (rénovation de la place de la Nation…), l’effort en faveur des transports collectifs (prolongements de tramways…), la lutte contre la pollution (sortie du diesel…) et l’innovation numérique pour améliorer le service public (stationnement…). Les propositions vont s’affiner, mais on sait déjà de quel côté se trouvent le dynamisme et l’imagination.
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