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Renouer quatre pactes avec les Français

A mi-parcours du grand débat national des tendances se dessinent, sans que les options ne soient encore tranchées. Puisque la France fait face à quatre crises anciennes, proposons de conclure quatre pactes pour écrire un nouveau chapitre du roman national toujours palpitant.

Le premier contrat, c’est le contrat politique. On m’objectera que les revendications sociales viennent d’abord, mais la réforme de nos institutions est une condition préalable à l’élaboration de nouvelles politiques publiques. Primat de l’économie, primauté du politique.  De nombreuses pistes sont sur la table : reconnaissance du vote blanc, instauration du vote obligatoire, transformation du Sénat, multiplication des référendums, laïcité réaffirmée… J’y ajoute l’abaissement de l’âge légal à 16 ans pour voter aux référendums locaux, comme apprentissage de la démocratie. A l’heure où le service national universel va rapprocher nos jeunes, il me semble important d’associer à ce rendez-vous, une dimension citoyenne. Tout cela doit aller avec une refonte de la procédure législative, pour mettre le citoyen au cœur de l’élaboration de la loi : jurys tirés au sort, ateliers participatifs, experts associés au sein de l’administration de façon temporaire, les formules abondent et il faudra un mix de tout cela. Le budget, en particulier, me semble être une porte d’entrée pour débattre de nos préférences collectives. Durée des mandats, rôle des contre-pouvoirs, encadrement des lobbies,  seule une batterie d’instruments divers permettra de faire respirer notre démocratie. Avec une conviction : la table, renversons.

Le deuxième contrat, c’est le contrat social. Les gilets jaunes n’en n’ont pas appelé aux syndicats, c’est le moins que l’on puisse écrire. Pourtant, c’est au sein de l’entreprise que se noue la relation de travail, que s’obtient le pouvoir d’achat par le salaire, que se construisent les évolutions professionnelles et le parcours de formation. Alors, il faut remettre le collectif de travail face à ses responsabilités, en mettant tout le monde autour de la table afin d’inventer des solutions décentralisées. Les mesures unilatérales, uniformes et univoques ne fonctionneront pas : on ne traitera pas de la même façon le grand groupe du CAC40 et le petit artisan qui a un ou deux employés. Je suis fermement convaincu du rôle social de nos entreprises – et je me félicite que 70% des Français aient confiance dans leurs PME. Investir, prendre des risques, c’est le meilleur pied de nez aux professionnels du déclin !

Le troisième contrat se noue avec les collectivités locales. Ce que le mouvement a mis en lumière depuis trois mois, c’est bien la fracture territoriale. Sans caricaturer, il est certain que les questions de déplacement, de logement, de services publics se jouent avec des partitions différentes entre le cœur des métropoles et la ruralité profonde, en passant par les péri-urbains. Là aussi, acceptons les expérimentations, les différenciations, les assouplissements – sans aller jusqu’à la rupture des ligaments. Le Président se refusait à un nouveau big bang coûteux en temps, en énergie et en argent public, car les précédents avaient lassé les élus locaux, pourtant pas d’issue à cette crise sans nouvelle phase profonde de libération locale. Que mille initiatives vivent, sans que l’Etat n’y jette ses grains de sel qui ressemblent à des grains de sable grippant la mécanique. L’Ile de France est devenu un super-millefeuille, une montagne de compétences qui débouchent trop souvent sur des souris pour nos concitoyens.

Le quatrième contrat, le plus ambitieux, le plus complexe aussi, c’est le contrat naturel, imaginé par Michel Serres. La planète n’est jamais autour de la table. Les générations futures ne sont pas représentées dans notre démocratie. La terre n’est pas un interlocuteur reconnu. Et pourtant, comme l’indiquait une pétition très suivie – il s’agit bien de l’ « affaire du siècle ».  Là, il faudra tout inventer, faire preuve d’une imagination sensible pour bâtir les procédures qui incluent la révolte écologique dans nos politiques publiques. Préfinancer gratuitement la rénovation énergétique du bâti ancien ? Révolutionner enfin les transports par le véhicule autonome dès demain ? Faire de l’outil numérique le socle des territoires verts ? Développer partout et par tous le recyclage et la valorisation des déchets ? Le pont entre les comportements quotidiens et les objectifs stratégiques de long terme reste à construire. C’est la responsabilité des décideurs, du Président de la République au conseiller municipal, de construire des passerelles justes et crédibles.

Alors une sortie de crise ? Non, des multiples leviers, une gamme complète, un bouquet de solutions qui mis bout à bout feront « la » Révolution – qui n’est jamais que le titre de l’espérance programmatique portée par le Président de la République. Si comme l’a écrit Jean COCTEAU «  il se peut que le progrès soit le développement d’une erreur », je crois que nous réduirons nos chances de nous tromper en écrivant et préservant les quatre contrats. Moralité : notre République bouge mais ne rond-point !

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