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Télétravail, faisons du judo, plutôt que subir !

Le télétravail, il y a les pour et les contre. Disons-le tout net : c’est comme la réduction de la voiture individuelle thermique en ville, c’est le sens de l’histoire. Il n’y a pas à y résister, mais à l’organiser, de façon collective et concertée. Ne serait-ce que pour cette seule raison : 140kgs de CO2* sont évités par an pour un salarié qui télétravaille un jour par semaine (*source : ADEME).

Quels sont les coûts économiques des embouteillages, de la saturation des systèmes de transports et surtout humains en stress, en temps perdu, à passer une heure matin et soir dans les embouteillages ou collé contre la vitre du RER ? Ce temps économisé pourrait être consacré aux loisirs, à la vie sociale et familiale, aux projets personnels, au repos…Contrairement à ce qui est trop souvent affirmé, le télétravail est le gage d’un meilleur équilibre entre travail et vie privée.

C’est enfin une source d’économies pour les entreprises, en dépensant moins pour les locaux. Triple levier de bien-être, de sobriété énergétique et de compétitivité, le télétravail est un formidable défi organisationnel, à même de mobiliser la société, de la projeter dans l’avenir, de pousser les partenaires sociaux à inventer le monde du travail de demain. Plutôt que de se lamenter, il y a là matière à se coltiner le réel et à imaginer : nous avons besoin d’enjeux collectifs pour nous dépasser. « Le réel, c’est quand on se cogne » affirmait Jacques Lacan.

De plus en plus de salariés télétravaillent, de plus en plus veulent télétravailler. Et pas seulement à cause de la crise du coronavirus. Les tendances étaient là. En Europe, la France fait plutôt partie des bons élèves. Les pays du Nord et de l’Ouest (pays scandinaves, France, Grande-Bretagne…) sont en avance sur les pays du Sud et de l’Est (Roumanie, Espagne, Italie, Grèce…). Les sondages d’opinions confirment que les Français sont très favorables au télétravail et plébiscitent les formules hybrides : un mélange de présentiel et de travail à distance.

Les chambres de commerce et d’industrie ont formulé d’utiles recommandations, qui toutes nécessitent des négociations. Certaines questions juridiques sont à traiter avec attention (imputabilité de l’accident de travail, décompte des jours télétravaillés, modalités de déconnexion…) mais aucune n’est insurmontable avec de la bonne volonté. D’autres pistes sont sur la table (financement du bureau à distance, sécurisation des liaisons, confort du poste de travail…).

Il faudra une étude d’impact sur la massification du télétravail. Les conséquences potentielles sont importantes. En Île-de-France par exemple, si la norme pour des dizaines de milliers de salariés devient 1 ou 2 jours en présentiel, 3 ou 4 jours en télétravail, les arbitrages des ménages vont évoluer drastiquement. Beaucoup de cadres préféreront disposer d’un jardin s’ils ne font le trajet domicile-travail qu’une ou deux fois par semaine plutôt que d’acheter cher à Paris, avec pour conséquence la conversion vers un modèle très américain de de la ville : petites banlieues proches précaires, grandes banlieues résidentielles, centres urbains avec étudiants, professions intellectuelles, commerces et bureaux et un éclatement accentué entre banlieues aisées et banlieues pauvres (à l’exemple de Chicago). Pour la restauration (service du midi), pour les commerces, il y aura des légions de gagnants et de perdants, si les rôles des territoires sont redistribués. Une évolution radicale des comportements des usagers peut rendre tout ou partie des investissements en transports obsolètes ou inadaptés, ou au contraire renforcer leur intérêt (comme pour le Grand Paris Express avec l’éloignement des lieux de vie). Ces bouleversements se joueront à l’échelle de toutes les grandes métropoles.

L’une des solutions, intermédiaire, serait d’implanter des bureaux (« tiers lieux ») de petite taille (« mini-bureaux ») sur tout le territoire, où les salariés peuvent se rendre à pied, à trottinette ou à vélo : cela permet de développer des villes moyennes, en y essaimant de l’emploi, de favoriser les rencontres professionnelles, de faire circuler les bonnes pratiques et la formation dans des lieux partagés. Une seule entreprise pourrait aussi les louer, par exemple un jour par semaine ou plus. La Caisse des Dépôts a lancé une expérimentation en Île-de-France, les freins financiers doivent être supprimés notamment pour les entreprises qui doivent payer plusieurs baux en même temps (leur siège et les tiers lieux).

Les questions posées par la massification du télétravail sont nombreuses, les gains potentiels pour notre pays, immenses ! Dès aujourd’hui, syndicats et patronat doivent accélérer pour relever ce défi, et non traîner des pieds. Faute de quoi le législateur saura prendre ses responsabilités.

 

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